TLMR: thérapie des liens et des mondes relationnels
(THERAPIE HTSMA, Thérapie des Mondes Traumatiques et Résilience)
Pour percevoir le fonctionnement de cette thérapie:
https://www.abctalk.fr/podcast/douleurs-inexpliquees/
http://www.mimethys.com/coin-lecture/articles/htsma-theorie-et-pratique
Hypnose Thérapie Stratégique
Mouvements Alternatifs
Particulièrement efficace dans les différents troubles post-traumatiques (consécutifs à une ou plusieurs agressions par exemple), l'HTSMA permet de traiter en thérapie courte :
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ces troubles psycho-traumatiques,
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également les troubles anxieux, phobiques, dépressifs,
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et de réduire la douleur physique, etc.
Il s'agit d'une thérapie intégrative qui s'inspire principalement de différents modèles de thérapies brèves, thérapies narratives, hypnose, complétée par les apports de l'EMDR (thérapie par les yeux).
Les mouvements alternatifs permettent de se «débrancher» des pensées obsédantes et des flash-back traumatiques et de « passer à autre chose ». Dans un climat affectif cherchant à être le plus sécurisant et étayant possible, une relation très interactive avec le thérapeute s'installe.
Une aire de jeu sollicitant à la fois la créativité du thérapeute et de la personne se crée : elle permet de remettre en jeu sa vision des problèmes et de construire une nouvelle perception de sa réalité.
Thérapeute et patient vont s'accorder dans une construction commune basée sur l'accueil de ce qui se passe là et maintenant, à partir d'un problème « externalisé », c'est-à-dire représenté par le sujet à l'extérieur de lui (par exemple projeté sur un écran imaginaire).
Les sensations corporelles, le vécu sensoriel, les images et les pensées évoluent ainsi rapidement, ce qui permet de diminuer très fortement les émotions paralysantes et de sortir de situations figées.
Le patient se remet en mouvement grâce à cette expérience qui l'engage dans son entier dans sa relation à lui-même, aux autres et au monde. Cette dynamique de changement lui permet une nouvelle perception de ses problèmes, de ses modes relationnels et de sa vie.
Le corps : guide et mémoire - Dans la thérapie HTSMA
Avec l’HTSMA, j’ai trouvé une manière vivante de travailler qui intègre chacun des courants de la Thérapie Brève. Ce qui m’a amenée à m’inscrire dans cette pratique, c’est la construction d’un « être ensemble » dans la perspective d’une approche interactionnelle du vivant. A partir de cette base, le thérapeute va mettre en scène ce qui apparait dans la thérapie, par la triangulation : en externalisant grâce à l’imaginaire partagé (souvenirs, sensations, images sensorielles) la problématique de la relation (à soi, au monde, à l’autre). Ce travail analogique, comme dans le rêve, va permettre de restaurer progressivement les interactions qui étaient bloquées.
Dans cet objectif, le Thérapeute va devoir déconstruire la plainte par un questionnement spécifique, tant qu’elle ne sera pas clairement identifiée. Cela peut se faire de trois manières différentes selon ce qui vient : soit par la voix de la réduction lorsqu’elle est trop large afin d’atteindre une forme plus claire et plus juste du problème, soit par la sursaturation lorsque le mental s’enferme dans les définitions, jusqu’à ce que le corps s’exprime, soit par la métaphorisation. Puis, le travail va pouvoir se faire en suivant au plus près le processus jusqu’à l’expérience sécure, expérience de centration et de calme intérieur généralisé. Pour cela, l’imaginaire partagé fait le lien entre le mental et le perceptif sous formes de diverses expressions successives, qui permettent progressivement de travailler sur le problème. Pour cela, le Thérapeute va entrer dans une transe d’observation des réactions du patient, de ses propres réactions et de ce qui se passe entre les deux : les trois « O » d’Erickson. Il accueillera naturellement ce que la pensée créatrice va faire émerger dans le couple patient/thérapeute, lorsqu’il interroge ou observe le Patient sur ce qui vient, là, maintenant. Il va externaliser le vécu de souffrance et internaliser les ressources. Parfois, quand le patient est dissocié et ne peut entrer dans le processus, le Thérapeute va servir de modèle en externalisant ce qui vient chez lui, toujours dans la transe d’observation. Ce n’est pas l’expression de quelque chose de fantaisiste. Le Patient va pouvoir alors se réapproprier son vécu et en faire autre chose.
Cette façon de travailler me semble écologique pour le couple Patient/Thérapeute. Elle protège le thérapeute de ce qui pourrait l’impacter, et le patient de l’identification à son symptôme. Elle permet aux deux d’entrer dans une bulle thérapeutique hypnotique. Le Patient va vivre une expérience de soutien inconditionnel jusqu’à l’autonomie à la fin de la séance, lorsque l’orientation vers le futur est enfin possible. Il va se voir naturellement accomplir une tâche qui sera un élément du pont vers sa reconstruction.
La relation au corps en thérapie HTSMA est une évidence. Il y a là deux personnes ensemble dans un lieu, qui se parlent, se répondent, essaient de se comprendre. Ça passe par l’expression verbale mais aussi par le non verbal : le corps est parfois figé mais il est le plus souvent en mouvement même si ça peut être infime. Si on observe bien, c’est donc un dialogue avant tout corporel qui précède même l’expression verbale.
Une image me vient pour en parler :
Il s’agit de l’apprentissage que j’ai fait il y a quelques années du massage sensitif, la méthode Camili, avec une métaphore de vague, perçue sous la forme d’un mouvement, qui m’a inspirée la réflexion qui va suivre.
Dans ce type de massage, il y a aussi deux personnes ensembles, l’une utilise la force de son corps et sa respiration pour pousser ses mains sur la peau de l’autre, en un long et lent mouvement, précis dans la toucher tout en adaptant la pression et la vitesse, en fonction des informations de la peau, de ses réactions. Les pieds du masseur sont bien ancrés au sol, un pied en avant, permettant à son corps d’engager avec assurance le geste et aux mains d’avancer jusqu’aux limites possibles de l’étirement du corps. Puis les mains reviennent ensuite de la même façon dans la position initiale, en sens inverse, entrainées par le corps. Ce massage s’effectue sur tout le corps et se termine par un mouvement d’ensemble qui rassemble le corps dans une sensation intéroceptive généralisée, sensation d’apaisement. J’ai découvert dans cet apprentissage que le masseur était également dans cet état à la fin du massage, par l’effet de son geste en lien avec le massé : ses propres sensations, la lenteur, les neurones miroirs qui captent les effets sur le massé… Les deux personnes sont accordées, elles peuvent alors naturellement se séparer, c’est la fin du massage. Il n’y a pas de sensation de dépendance après ce massage, c’est une expérience aboutie, amenant ensuite chaque personne à se sentir à la fois unifiée, apaisée puis revivifiée, comme si elle avait reçu une énergie de vie intense.
Je me suis dit que c’était une belle analogie du travail qu’on fait en HTSMA, par exemple le travail de contention, la main qui se pose sur le poignet, une main qui sécurise, à la fois ferme et contenante, captant les informations du poignet et du corps tout entier du patient. Lorsque l’accordage s’est fait, le poignet semble gonfler et la main se soulève quasi d’elle-même. C’est un travail de fusion/défusion corporel intense, où se sont conjuguées et accordées deux personnes actives de deux façons différentes. Dans l’expérience sécure, on retrouve la même chose, lorsque les deux mains sont ensembles et que la main du patient finit par se décoller d’elle-même.
Dans ce massage il y a une autre composante qui fait analogie : la personne massée, par ce mouvement lent enregistre le mouvement, elle va garder en mémoire à long terme les effets de ce mouvement. Elle va donc intégrer ce mouvement contenant et sécure. Elle repart en ayant vécu une expérience humaine fondatrice, celle de se sentir en sécurité dans une relation et d’avoir fait l’expérience ensuite de se sentir plus vivante. En thérapie brève on dit que lorsqu’on a vécu quelque chose de différent on ne peut plus dire qu’on ne l’a pas vécu, c’est inscrit dans l’apprentissage, comme le vélo ! On peut parfois ne pas s’en souvenir mais on peut en être conscient. Je vous en parle aujourd’hui en ressentant encore les effets de ce massage lorsque je l’ai fait et aussi lorsque je l’ai reçu. Il a été un moment très important de mon travail personnel qui m’a aidé à me centrer dans ma vie, à me sentir plus posée et plus sécure dans la relation.
De même, en HTSMA, le travail va se poursuivre en autonomie et aboutir à une action différente en projection dans le futur lorsque la personne a recontacté son énergie vitale, moteur de l’action, puis au fil des séances à des changements probants dans sa vie.
Pourquoi cette analogie avec le massage ?
Premièrement, pour traiter ce sujet j’ai pensé évidemment au corps et penser au corps c’est à la fois le voir, le sentir, l’imaginer, saisir ses réactions, lui accorder une valeur, un sens, dans le regard des autres, dans la relation affective etc… Tout cela était contenu dans une expérience de massage que j’ai reçu moi-même avec une personne lors de cette formation, expérience qui m’a reliée à la toute petite enfance dans l’ici et le maintenant, à des sensations, à des émotions, à des réactions, des images, des représentations corporelles… Ce fut une expérience complète sans les mots pour le dire, en lien avec la personne qui me massait, avec mon corps, dans un espace cadré. Cette expérience m’a m’amenée à passer dans un autre monde, à me sentir à la fin entière et réunifiée, capable de faire un nouveau pas en avant dans ma vie à cette époque là... Dans ma pratique HTSMA, j’ai pu retrouver en tant que Psychothérapeute, cette manière d’être en relation, qui intègre activement le mental, l’imaginaire et le perceptif dans un tout.
Deuxièmement, le corps est à la fois un contenant et un contenu. Il indique sans cesse de nouvelles informations à l’intérieur, par l’intéroceptivité, il en diffuse aussi à l’extérieur, par la gestuelle et le paraverbal, tout en captant les informations sensorielles venant de l’extérieur vers lui, tout cela dans sa relation à soi, à l’autre et au monde. Le corps contient donc, diffuse et reçoit ces informations et à la fois il exprime un cadre relationnel, il va donner matière à ce qui va se jouer entre la personne et elle-même, entre la personne et l’autre, entre la personne et le monde, aussi bien dans le désaccordage que dans l’accordage. En HTSMA, le travail va se faire pour le thérapeute dans la conscience de ce qui se passe en lui, des réactions corporelles du patient et des effets de ce qui se passe entre les deux. Et pour les deux c’est par l’imaginaire partagé que toutes ces perceptions vont construire une forme commune.
Troisièmement, ce travail ne peut donc se faire qu’en lien, il est le fruit de ce qui se passe entre le masseur et le massé. Il ne s’agit pas que d’une personne qui masse une personne massée, mais bien d’une expérience commune partagée. Tout comme en HTSMA, encore une fois, on va rentrer dans une bulle à deux à l’intérieur de laquelle le travail va pouvoir se faire.
Le corps guide et mémoire ?
On voit que le corps est bien à la fois un guide et une mémoire pour mobiliser ce qui est vivant. De manière plus générale, il est le véhicule qui va exprimer, dans la période de la vie, l’harmonie ou la désharmonie du vivant. Il n’est pas qu’un indicateur, il participe à exprimer au monde des énergies particulières. Je pense que nous avons une responsabilité dans les effets que cela va avoir autour de nous.
C’est un challenge en thérapie dont nous observons les effets lorsqu’une personne a évolué et qu’elle revient transformée physiquement. On peut même parfois observer ces différences entre le début et la fin d’une séance. Il y a un rayonnement particulier, quelque chose qui, lorsque la personne est réassociée, relève d’une autre dimension. C’est comme si son corps se faisait alors le messager de cette clarté particulière d’un monde universel qui englobe les contraires dans un tout unifié.
Un exemple en HTSMA :
Je vais illustrer cette fonction du corps comme guide et mémoire par un exemple en thérapie.
La jeune femme de 25 ans que je vais appeler Chloé vient me voir suite à un avortement il y a un an Elle pense que cela a entrainé des effets néfastes pour elle aujourd’hui. « C’est-à-dire ? ». Elle ne se sent pas bien, ressent comme un mal-être qu’elle qualifie de peur, elle pleure beaucoup avant d’aller au travail, et quand elle rentre. Elle a des images qui lui viennent. Cela empire au point où elle n’arrive plus à aller au travail depuis quelques jours, même si jusque-là elle parvenait à contrôler dit-elle. Cela impacte sa vie sociale, elle panique à l’idée d’aller voir des amis, de sortir dans des soirées avec plusieurs personnes. Le questionnement met en évidence le fait que ce qui l’a le plus perturbée c’est une scène, suite à cet avortement lorsqu’elle a fait une hémorragie. Elle est seule chez elle, en attendant les pompiers.
Nous reprenons la scène et elle focalise d’abord sur son pantalon tâché de sang, puis sur les motifs, puis sur le sang. Cette scène prend le pouvoir sur elle en une sensation corporelle dans le ventre. Le corps a gardé la mémoire active de ce moment. Les mouvements alternatifs font baisser cette sensation jusqu’à ce qu’elle disparaisse, mais elle se dit tendue. Le corps donne une information qui indique que quelque chose n’est pas ok. Cette sensation la met en contact avec une image récurrente lorsqu’elle fait des crises : elle est seule à l’hôpital suite à cette hémorragie.
Je demande à sa main de se poser dans la mienne, puis de porter son attention sur ce qui se passe entre nos deux mains. Ce premier travail, tout simple permet à nos deux respirations de commencer à se synchroniser tranquillement
Nous commençons à entrer dans un accordage corporel, je sens d’ailleurs très vite sa main fusionner avec la mienne, nous ne sommes pas au tout début de la thérapie et le travail que nous avons déjà effectué a permis de créer une alliance. Je lui demande ensuite si cette image était un personnage, comment s’y prend-il pour prendre le pouvoir sur elle ? Elle me dit « il m’enveloppe », et entre cette enveloppe et elle ? « Ça m’enferme », et quel effet ? « Sensation de tension dans la poitrine ». Nous externalisons cette sensation qui devient comme un nuage, sur lequel je lui fais focaliser un point précis afin de délimiter la forme de cette tension et le travail suit son cours jusqu’à ce que la forme devienne translucide et disparaisse. La tension disparait progressivement. Chloé me dit « c’est comme si la tension descendait dans le bras et était absorbée par nos deux mains », puis la tension disparait totalement. De mon côté j’ai une douleur dans le dos, côté gauche, qui ne part pas, malgré l’intervention d’un tiers sécure( le thérapeute fait venir dans le présent imaginaire, en HTSMA, des personnes qui ont des fonctions de tiers, différentes selon le moment de la thérapie). Une image me poursuit avec cette sensation, c’est comme un coup de poignard dans le dos, je demande l’autorisation d’externaliser cette sensation et je rajoute « je ne sais pas qui donne ce coup de poignard ? » Chloé hoche la tête. La douleur s’en va. Le corps s’apaise en accordage avec celui de ma patiente. Je ne sais pas ce que nous avons traversé là, mais visiblement, il y avait un obstacle à franchir qui semble avoir été franchi. Là encore le corps indique les choses, il guide le travail en donnant des informations et contient les effets liés à des actions et à des intentions dont on n’a pas toujours les tenants et les aboutissants. Je ne sais pas pourquoi j’ai posé cette question que je n’aurais sans doute pas posée dans une autre séance. Elle n’était pourtant pas fantaisiste, j’étais bien en transe d’observation et je « savais » spontanément que ce coup de poignard était donné par une personne qui ne s’adressait pas à moi. L’apaisement se généralise ensuite. Et la séance se poursuit jusqu’à son terme où Chloé revoit la scène de départ qui est complètement désactivée, comme si cette image ne faisait pas partie de sa vie. Elle se projette dans le futur où elle se voit aller voir des amis avec plaisir.
Il semble qu’on a travaillé d’abord la peur de Chloé de se voir mourir et ensuite la peur de se retrouver lâchée, toute seule, abandonnée. Tout cela s’est fait par une approche psychocorporelle où le corps était acteur à part entière du vécu de Chloé en donnant à la fois des informations en lien avec ses souvenirs et à la fois par le travail analogique qu’on a fait ensemble, en nous guidant sur le processus à suivre. Ce coup de poignard par exemple est venu indiquer quelque chose de son vécu qui n’était pas ok et que j’ai impacté, en lui permettant de s’apaiser par la fusion de nos deux mains ; c’est comme si un transfert corporel s’était fait. Mais ce message du corps m’a permis, en l’externalisant de pouvoir évacuer un obstacle au processus, qui a pu alors se dérouler ensuite jusqu’au bout.
On ne peut donc pas se passer du corps dans un type de thérapie psychocorporelle comme l’HTSMA. La relation au corps est même première pour moi, dans ma pratique. Si je l’oublie, je ne suis pas centrée, je ne perçois pas tout ce qui est exprimé par les corps et je ne permets pas au processus de se dérouler. J’aurais pu laisser de côté cette sensation de douleur dans le dos, comme tout bon thérapeute sauveur qui s’oublie ! Or le corps est premier, il réagit avant que nous en ayons conscience. Point n’est besoin d’analyser, il suffit de permettre à la conscience de le percevoir et d’en faire quelque chose en travaillant sur les interactions. On est dans un travail hypnotique où les choses se dénouent malgré nous, comme une histoire métaphorique.
Au final, le corps reprend ses droits, en retrouvant toujours sa position de calme qui lui est naturelle !
Mady Faucoup Gatineau, psychothérapeute
Mis en ligne le 29/03/2019
Qu’est-ce que la thérapie narrative et comment peut-elle nous aider ?
Article révisé par le Comité Psychologue.net
Qu'est-ce que la thérapie narrative? D'où vient-elle? Quels sont concepts qui la gouvernent? Quels en sont les principes d'intervention? Nous vous proposons une présentation de cette forme de thérapie tout à fait originale.
10 AOÛT 2023 · Dernière modification: 30 AOÛT 2023 ·
La thérapie narrative a vu le jour dans les années 1980, elle résulte des travaux et recherches de Michael White, travailleur social australien et de David Epston sociologue, anthropologue et thérapeute néo-zélandais. En 1990, Ils publient ensembles l'ouvrage "Narrative means to thrérapeutic ends" qui pose les fondements de cette nouvelle approche thérapeutique.
Si celle-ci se déploie rapidement dans les pays anglo-saxons, elle tarde à trouver sa place en France. Ce n'est qu'en 2004 que Michael White sera invité en France par Isabelle Laplante et Nicolas De Beer pour la présenter lors d'un congrès sur le coaching. Les coachs se sont rapidement approprié les techniques et outils y afférant ouvrant ainsi à de nouvelles modalités d'intervention. Pour autant, l'espace de coaching n'est pas un espace thérapeutique aussi entend-on souvent parler de pratiques narratives. Pourtant c'est une nouvelle forme de thérapie que Michael White et David Epston ont imaginé et c'est cette thérapie que nous souhaitons vous présenter brièvement dans cet article. A ce jour, en France, il n'existe qu'une seule formation universitaire sur ce sujet.
Comment fonctionne la thérapie narrative ?
En publiant "Narrative means to therapeutic ends" en 1990, Mikael White et David Epston présentèrent un mode d'intervention et une approche thérapeutique tout à fait originale. Celle-ci sera aux fondements d'une nouvelle forme de thérapie qui s'inscrit dans le spectre de la troisième vague des thérapies brèves et prend le nom de thérapie narrative. Elle introduit une rupture épistémologique et s'inscrit à la croisée d'un corpus de théories philosophiques et sociologiques et d'une pratique clinique singulière.
Elle s'insère dans un courant de pensées post-moderne et socio-constructionniste qui considèrent qu'il n'y a pas de réalité objective en soi et que l'idée de la réalité telle qu'un individu la perçoit est une construction sociale qui s'élabore par le langage et dans les relations sociales. Ainsi valeurs, croyances, coutumes, lois, cultures, seraient construites par les membres d'un même groupe social au travers de leurs interactions et transmises de la même façon, ce qui in fine, organise le monde de ce groupe social au travers des histoires et des récits que ses membres se racontent.
Dans ce contexte, le patient est pensé comme pétri d'un ensemble d'histoires sur ces réalités, sur lui-même, les autres, ou ses relations avec le monde. Certaines d'entre-elles pourront être de nature à le rassurer et lui procurer des sentiments de joie et de bonheur, d'autres de nature à l'inquiéter, le dévaloriser, le disqualifier et par là-même devenir pathogène. C'est le cas lorsque l'histoire principale est saturée par un problème qui amène un patient à consulter.
On entend par histoire principale, l'histoire singulière qui est mobilisée par un individu, pour définir la nature de l'expérience de sa vie, l'organiser et lui donner du sens, celle qui domine les autres récits dans ses propos. Elle peut alors être considérée comme représentative de l'identité narrative du patient, concept emprunté à Paul Ricœur, notion complexe qui selon son auteur participe de la construction de l'identité du soi. Il la défini comme l'identité personnelle découlant d'une histoire d'une vie, à savoir une mise en récit fictionnel d'un ensemble d'éléments de vie, sélectionnés et mis en intrigue dans le but de rendre compte du sens de cette vie. L'identité narrative serait un mixte instable entre fabulation et expérience de vie.
Considérer la construction de la réalité et la construction de soi et de son rapport au monde dans cette optique porte de nombreuses perspectives, notamment dans un cadre thérapeutique. La construction mutuelle dans le langage, par le patient et le thérapeute, d'un réel qui compte d'avantage que la recherche de la vérité ou de la réalité, peut venir oblitérer un réel plus soufrant qui deviendrait ainsi désuet, et enrichir une identité et une définition de soi qui rétablisse le patient dans ses capacités et compétences personnelles. Tel est l'un des propos de la thérapie narrative qui, d'une part, s'attache à la compréhension des histoires et discours des patients pour mettre au jour quelles sont les réalités du patient qui investissent l'espace thérapeutique et comment elles se sont construites, tout comme celles qui n'investissent pas cet espace. Elle vise d'autre part la construction de nouvelles histoires, plus riches, plus dégagé du problème initiant la consultation, qui ouvrent sur des perspectives nouvelles pouvant aller jusqu'à marginaliser le problème, en quelque sorte le dissoudre dans un ensemble plus vaste.
Si le propos peut paraitre somme toute assez simple, évident et logique, la pratique s'avère, elle, être délicate, une forme d'incertitude y préside, il n'y a pas de protocoles, pas de grilles d'évaluation, pas de classification qui puisse cadrer l'intervention du thérapeute narratif. Cela relèvent plus de sa posture et de son éthique. Il dispose de cartes qui sont autant de repères pour orienter sa prise en charge, chacune d'elle ouvrant à une nouvelle aventure, une nouvelle histoire, singulière parmi toutes les autres. Ici l'évaluation de la personne cède la place à l'évaluation par la personne.